Ethique et déontologie en médiation, comment entretenir l’indépendance, pour les nuls

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Comment entretenir la distanciation en médiation ?

L’indépendance est l’un des trois piliers de la distanciation. Le terme est bien adapté pour définir la posture du médiateur professionnel relativement à toute forme d’autorité qu’on serait tenté d’exercer sur lui.

Mais c’est vrai que pour beaucoup de personnes, il est difficile de maintenir cette posture. L’habitude est telle que les plis sont là et une lecture du « discours de la servitude volontaire » de la Boétie n’est pas suffisante. Difficile quand on n’a pas fait le chemin d’un choix de responsabilité mais que l’on se positionne plutôt dans une relation de subordination. Il faut y revenir et réfléchir.

Tout commence par la conception que l’on a de l’humain, de ce qui motive son implication dans une organisation sociale, de la cause des différends, de leur manière d’être éventuellement résolus et par quel type de tiers. Tous ces éléments interfèrent pour donner à la médiation une teinte culturelle et professionnelle. Soit elle est un instrument au service d’une idéologie soit elle est une discipline associée à la philosophie.

C’est à ce prix d’une réflexion rigoureuse que l’on peut prétendre offrir à nos concitoyens un service exemplaire en médiation professionnelle.

Il convient notamment de cesser de véhiculer les erreurs suivantes :

  • le fait d’appartenir à une organisation empêcherait un médiateur d’être indépendant vis-à-vis de personnes adhérant à cette organisation ;
  • les médiations devraient être tenues dans le cadre du respect de l’ordre public et des bonnes mœurs ; ce qui implique une allégeance à un pouvoir et un rôle de juge lié à l’exercice de la médiation ;
  • il devrait y avoir un diplôme d’Etat de médiation, ce qui aurait pour conséquence d’ouvrir le système de légitimation au système dictatoriaux, religieux, etc.
  •  le médiateur devrait être placé sous l’autorité de l’Etat, sinon ça serait encourager la désobéissance civile ; le médiateur ne doit avoir aucun rôle lié à du rappel à la loi ou à un règlement quel qu’il soit.

L’indépendance est liée à la distanciation. Pas d’indépendance sans distanciation et réciproquement. La distanciation est composite. Elle s’entretient par une réflexion sur les risques de servitude.

Lorsque le médiateur s’est approprié les trois fondamentaux de la distanciation, il est en posture de crédibilité vis-à-vis de chacune des parties. Une fois compris, il peut passer à l’appropriation du processus structuré, très rigoureux, de la médiation professionnelle. Le processus acquis, les techniques vont consolider sa méthodologie. Et son rôle va se décliner selon sur trois aspects :

  1. une aide à l’implication dans le processus de résolution du différend ; c’est-à-dire l’aide à choisir le moyen le plus opérationnel pour mettre un terme au différend ; c’est ainsi que commence l’entrée en médiation ;
  2. le soutien de l’effort des parties dans cette implication tout au long du processus ; c’est-à-dire qu’il se positionne en garant de la qualité relationnelle telle qu’elle a été clarifiée par les parties lors des entretiens individuels en vue des réunions résolutoires ;
  3. l’aide à une réflexion contributive sur les causes de la dégradation relationnelle et les possibilités de démêlage du différend, jusqu’à une contribution méthodologique pour l’identification de l’accord et du projet qui peut en résulter.

Les techniques qu’il doit s’approprier relève d’une maîtrise de la rhétorique passée au crible précis d’un modèle que j’ai conçu, le modèle des « Stratégies et Interactions en Communication ». Sa maîtrise fait la différence entre l’amateur et le professionnel en médiation. L’ensemble du processus et la façon du rôle du médiateur professionnel repose sur cette instrumentation subtile. C’est une discipline. Et cette discipline que j’ai initiée est exclusivement enseignée à-par des formateurs agréés par l’Ecole Professionnelle de la Médiation et de la Négociation. Il existe un partenariat avec l’IAE de Bordeaux IV dans le cadre du Master 2 de Management des Ressources Humaines option Médiation Professionnelle MRH-MP.

Pour conclure

Pour conclure, ce que j’ai donc défini depuis des années, c’est que :

  • L’indépendance est relative à la relation avec toute forme d’autorité culturelle, cultuelle, hiérarchique ; elle interfère dès l’entrée en médiation, puisque la posture de dépendance implique un a priori de subordination.
  • L’impartialité est au regard des parties, de leurs croyances, de leurs convictions, de leurs expériences et de leurs valeurs, des intérêts et des enjeux ; elle interfère en cours de médiation. Une personne indépendante de toute autorité peut prendre partie.
  • La neutralité est en rapport avec la solution que les parties adoptent, et le projet qu’elles élaborent pour faire vivre leur accord lorsque celui-ci s’inscrit dans une relation durable. Cette posture interfère en fin de médiation.

L’exemplarité des médiateurs est dans leur posture d’indépendance autant que dans leur recherche de raisonnements structurés visant à aider les autres à mieux conduire leur raison.

Ces éléments composent la posture de distanciation. Ils sont indissociables, mais doivent être posés parce que chacun concernent des aspects posturaux bien spécifiques.

L’article suivant est pour le 4 février 2014.

Dossier sur l’éthique et la déontologie en médiation, pour les nuls

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